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le clin d'oeil de Pierre
25 janvier 2009

j'y suis...

Deuxième partie : lundi 4 juin  / samedi 9 juin 2007

" Oran...j'arrive "

                                                                            
Lundi 4 juin 2007 : « bienvenue chez vous »…

Si j’imagine un peu ce que je vais ressentir quand l’avion survole la ville et se pose sur cet aérodrome où un jour de juin 1962 j'ai embarqué à bord d'une Caravelle destination Paris avec un billet aller simple, eh bien je suis loin du compte !

Le cœur s’accélère, le hublot n’est pas assez grand, la respiration est bizarre, les doigts se croisent et se décroisent à un rythme inhabituel.

Et puis la porte s’ouvre, l’air change d’odeur, et je descends la passerelle inondée de soleil. La  première idée qui me passe par la tête : je suis le premier cosmonaute qui a posé les pieds sur la lune !!

Je  suis heureux comme jamais ! Une joie simple, naturelle, évidente. Je marche sur ma terre, tout en étant sur un grand nuage, et une sensation va me suivre durant tout le séjour ; celle de n’être jamais parti même 45 ans après ! Comme si c’était hier !

Ma tête tourne dans tous les sens, je ne veux rien rater. Je veux tout absorber. Je veux  engranger le maximum d’images ! Des images que j’ai vu et revu et qui ne me surprennent même pas. J’ai l'impression de contrôler mon émotion, pour l’instant du moins !

Mon esprit revient sans cesse vers mon père. Je veux être son regard,  ses pensées : de là-haut il m’encourage, la main sur mon épaule avec un sourire éclatant.

Même si la réalité reprend vite le dessus avec le contrôle des passeports et les traditionnelles déclarations, cela ne me gêne pas. On peut me demander tout ce qu’on veut, du moment que je suis là, chez moi, le reste n'a aucune importance !

Et puis c’est la rencontre avec Malek dans le hall : sourires, embrassades, et déjà l’impression de se connaître depuis longtemps.

Le retour sur Oran se fait en empruntant l’une des nombreuses quatre voies qui entourent la ville, direction Canastel.

Nous faisons la connaissance de Nacera qui vient conforter la gentillesse et la réelle affection qui nous unit déjà tous les quatre. Nous sommes frères et sœurs. Le courant passe très bien. Je sais qu’ils ressentent le même bonheur que nous.

C’est vrai je n’en ai pas encore parlé, mais Christine est près de moi pour ce retour aux sources !

J’avoue que j’ai eu peur, non pas de « l’embarquer » avec moi dans ce qui pouvait lui sembler un saut inquiétant dans l’inconnu, mais sur des faits encore dans nos mémoires.

Dans l’avion d’Air Algérie, nous avons eu droit à une grosse altercation entre un jeune passager et un steward : en cause un téléphone portable non éteint au décollage et une conversation qui s’éternisait alors que l’avion roulait sur le tarmac.

Une tension vite amoindrie par la présence d’une hôtesse qui est venue parler avec nous une bonne partie du vol.

Christine a vraiment participé à ce voyage m’encourageant elle aussi et m’offrant cet éternel sourire qui la caractérise.

La ville a changé, la ville a vieilli. Moi aussi j’ai changé, moi aussi j’ai vieilli. On a les mêmes rides, mais notre passion l’un pour l’autre est intacte avec une pudeur presque juvénile !

Après nous être installés dans notre chambre et visité la très belle maison de nos hôtes , nous prenons la route vers le centre ville via le front de mer  et ses immeubles qui en ont fait toujours sa réputation. C’est à ce moment-là que je prends conscience de la « petitesse » des rues, des boulevards. Tout ce qui me semblait grand est ramené brusquement à des proportions qui me surprennent.
Je comprends mieux le fait que pour nous rendre au lycée nous empruntions la rue Lamoricière, traversions la rue d’Arzew (de son vrai nom boulevard du Général Leclerc), coupions la rue de la Bastille et la rue Alsace Lorraine. Après nous avions le choix entre la rue El Moungar quand on voulait traîner un peu, ou un trajet plus direct par les rues Richepin, d’Igli, Colmar et Paixhans. Dans mon esprit ce trajet était resté particulièrement long !

On se rapproche à présent du boulevard Marceau que nous atteignons par le boulevard Clémenceau et après une courte halte devant le cinéma « l’Escurial » fermé et en bien piteux état, c’est la rue de Mostaganem. On tourne à droite et on remonte le boulevard Marceau vers la gare.

La voiture s’arrête devant le numéro 19. Mon cœur se remet à battre la chamade ! Dehors les gens vont et viennent et je leur souris naturellement.

Nous rentrons dans le couloir de l’entrée. Les murs sont décrépis, mais c’est bien là ! Au fond la grille de l’escalier d’accès vers les caves. Et me voilà montant les marches vers ce premier étage tant attendu. Je savoure d’ailleurs cette montée, m’arrêtant au passage devant les vitraux  d‘une grande fenêtre. Ils sont toujours là, certains un peu abimés. Je me tiens à la rampe, et je me revois l'enjambant pour de longues glissades stoppées par le pommeau d'ornement tout en bas. J’arrive sur le palier, je regarde les trois portes des appartements : le nôtre et celui des familles Donat et Abat chez qui nous allions très souvent jouer.

Je demande à Malek de frapper. Je ne m’en sens pas capable, craignant qu’il n’y ait pas de réponse. A ce moment là, l’émotion m’envahit, mon visage s’empourpre et  je pleure.

La porte s’ouvre. Malek s’adresse en arabe à une dame, qui lui répond et qui s’adressant à moi, me dit : « bienvenue chez vous ». Cette phrase je vais souvent l’entendre.

Cette femme s’appelle Ghalia, et son sourire est tellement vrai et sincère que j’avance vers elle et que nous nous embrassons. Son mari Mourad est là avec leurs deux filles, et me voilà dans cet appartement qui a vu s’écouler seize années de ma vie.

La première chose que je remarque c’est que le carrelage  est toujours le même et que les plafonds ont gardé leurs décorations. Les peintures ont été refaites, le mobilier  a bien sûr changé, mais l’esprit est resté. Ghalia toute à sa joie se transforme en moulin à paroles, et je sens toute une famille heureuse de rencontrer le précédent locataire. Je refais en leur compagnie l’histoire de chaque pièce.

La chambre de ma grand-mère où elle passait de longues heures à coudre, à nous confectionner des vêtements, tout en écoutant la radio et la petite cuisine qui a encore meubles et évier d’époque.

La chambre de mes parents qui avaient installé à ma naissance un petit lit  que je torturais tous les soirs pour m’endormir : à quatre pattes, tête posée sur l’oreiller, je démarrais des mouvements de va et vient qui le déplaçait à travers la chambre, jusqu’à épuisement !

Le lit parental théâtre de « bagarres » mémorables avec mon frère. L’une d’entre elles se termina très mal : le repoussant fortement son pied alla frapper violemment la fenêtre. Résultat : une belle entaille et des points de suture, et à la clé une grosse engueulade !

Le balcon donne en bas sur la rue de Ténira et en face sur la rue de Chypre, pour nous « la petite ruelle », espace de jeux où une maison en ruines devenait l’instant d’un moment la caverne d’Ali Baba, tout cela sous la surveillance bienveillante de ma mère.

Le couloir était un endroit que nous transformions en route nationale, les chaises devenant des voitures lancées à vive allure !

La salle à manger où nous répétions les succès de l’époque avec mon frère à la guitare avant de les présenter sur scène dans des radio-crochets. J’empruntais les aiguilles à tricoter de ma grand-mère, une chaise faisant office de batterie. C'était aussi la pièce où nous faisions nos devoirs face à un grand tableau noir fixé derrière la porte.
Entre temps les filles de Ghalia transforment la petite table du salon en véritable repas : gâteaux, boissons, mona nous sont offerts dans un style bien pied-noir : « mangez monsieur Pierre, mangez ! ».

Nous montons ensuite tout en haut de l’immeuble sur la terrasse, endroit où ma mère lavait et étendait le linge, un regard circulaire permettant de voir une grande partie de la ville et du plateau Saint Michel. En bas le boulevard Marceau, et d’autres jeux de rue qui me reviennent à l’esprit.

Quand la voirie ouvrait les vannes transformant les rigoles des trottoirs en torrent magique, nous faisions flotter des petits bateaux confectionnés dans des morceaux de bois, lancés dans des courses effrénées.

Ces mêmes trottoirs qui servaient de circuit à des parties de « platicos », capsules de bouteille remplies de cire pour les alourdir, aux matchs de « pitchak » deux contre deux avec des jongles, des passes, des buts, accompagnés de cris de joie et de gestes dignes des plus grands footballeurs de l’époque magique du Stade de Reims et du Real de Madrid, aux descentes infernales sur nos « caricos », planches de bois rectangulaires posées sur des roulements, deux à l’arrière, un à l’avant vissé sur un axe permettant de nous diriger, à nos premiers patins à roulettes en fer, sans oublier nos premières petites copines !

Ce boulevard, théâtre permanent des marchands de figues de barbarie appelées communément  « tchumbos », et de glaces fabriquées dans un petit appareil rectangulaire avec une gaufrette dessus et dessous, la grosseur simple ou double dépendant des sous que nous avions.

Il est temps de repartir. Ghalia et Mourad tiennent à nous avoir à manger. Ayant un emploi du temps très serré, nous décidons de repasser les voir vendredi dans la matinée.

Après des embrassades pleines de tendresse et d’affection, je quitte l’appartement, l’immeuble, pour retrouver la petite ruelle où des enfants perpétuent la tradition et jouent sans penser que leurs jeux me ramènent plus de cinquante ans en arrière…

Un dernier signe de la main à nos hôtes accoudés au balcon, et  je me dirige vers la rue Daumas, juste en face de mon immeuble.Il y a quelques mois, toujours grâce à Internet, une amie d’enfance m’a retrouvé. Jacqueline habitait 5 rue Daumas et je lui avais promis de lui envoyer des photos. Chose dite chose faite.

Nous reprenons la voiture pour un tour en ville et la rue d’Arzew, noire de monde sans oublier auparavant de passer devant mon école primaire : l’école Lamoricière où il est prévu de revenir.

J’ai l’impression que mes yeux ne sont pas assez grands pour tout absorber, tout prendre, tout garder.

Retour sur Canastel pour notre première soirée oranaise en compagnie d’amis de Malek et Nacera : Latfi et Naziha : au menu la « hrira », soupe avec des tomates, du céleri, des oignons, carottes, coriandre, des petits morceaux de poulet, des « boureks » bricks à la viande et une salade de poivrons.

Il est tard quand nous nous couchons, et je ne m’endors qu’après avoir repassé en revue tous les détails de ce premier après-midi de bonheur.

à suivre...

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Commentaires
A
bonjour , je m'appelle daniel Abat <br /> je suis à la recherche d'information sur la vie de ma famille à Oran et je tombe sur votre blog ou vous mentionné le nom de vos voisins , les Abat ..<br /> S'agit-il de ma famille qui etait composé de deux garçons : André (qui etait mon père) et fredo et de deux filles : josephine et suzanne et leur mére Adèle née Anton ... <br /> ils habitaient dans le quartier d'arzew et si c'est bien cette famille que vous connaissiez , j'aimerais beaucoup entrer en contact avec vous , car j'envisage un pelerinage à Oran et vous pourriez peut-etre m'apporter des renseignements precieux ...<br /> je vous laisse mon mail <br /> valerie.dumontel@club-internet.fr<br /> merci beaucoup <br /> daniel
O
Merci Pierre grâce à ton blog je retourne encore dans notre quartier tant aimé. et les souvenirs me reviennent ainsi que les larmes. Je vous embrasse à tous les deux. Jacqueline
le clin d'oeil de Pierre
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