Voyages...

J'ai toujours été fasciné par les voyages en avion. Dès l'instant où je quitte mon chez moi pour me rendre à l'aéroport, j'ai l'impression d'en être à mon premier vol, avec une certaine excitation, un certain plaisir qui se diffuse au fil des minutes qui me séparent du décollage. L'attente dans le hall est aussi un moment que j'apprécie énormément. On se mélange à ce va et vient permanent et on imagine toutes les destinations possibles. Et puis vient l'embarquement et notre esprit qui se met à vagabonder parfois de manière surprenante...Et là ce n'est plus moi qui écrit mais Anne Maurel et son billet d'humeur dans un magazine qui a accompagné mon dernier voyage.

" Les voyageurs qui prennent l'avion savent que le transport, court ou long, d'un lieu à un autre est une parenthèse dans leurs habitudes, un temps qu'ils peuvent choisir d'occuper et ainsi d'annuler, ou qu'ils peuvent vouloir laisser vide pour en goûter la singularité et la nouveauté. En avion on est transporté plutôt qu'on ne transporte d'un endroit à un autre. Dans cet état de passivité assez semblable à celui qui précède tout juste le sommeil, les liens qui nous rattachent d'ordinire à l'extérieur, l'attention et l'intervention, se défont; ou bien, quand l'avion vole haut, c'est le monde même qui disparaît.

Dans cette lacune soudaine-comme une distraction qui durerait-, notre pensée, que plus rien ne fixe ni n' arrête, vagabonde. Des images naissent spontanément dans notre esprit, laissé libre et vacant, allégé du sérieux de l'action.

Des images des êtres et des choses qu'on a vus, aimés, rêvés, désirés, en des lieux et des temps souvent fort éloignés les uns des autres.

Des images silencieuses, précises ou plus floues, proches ou lointaines. Des fragments de notre vie passée, comme des pans d'une fresque aux couleurs effacées ou au contraire très vives, le souvenir de la chaleur d'une pierre au soleil sur laquelle on a dormi ou la fraîcheur d'une eau dans laquelle on a nagé.

Mais des images toujours d'une infinie plasticité, passant l'une dans l'autre selon des transitions insensibles, éveillant entre le passé et le présent des échos encore inaperçus et parfois surprenants.

Le monde qui surgit dans la mémoire rêveuse du voyageur assis sur son siège d'avion est en accord avec le paysage changeant de nuages aux formes variées qui s'offre à la vue par le hublot.

Une résonance dont la langue a retenu quelque chose que souvent nous ne savons plus. Nuance et nuage sont en effet deux mots liés l'un à l'autre par le son et le sens puisqu'ils sont issus du même verbe nuer, un vieux terme aujourd'hui oublié, hors d'usage, et qui a signifié changer de manière continue et à peine perceptible."